mercredi 28 mars 2018

TOMB RAIDER

Sortie le 14 Mars 2018 - 1h58

Un film de Roar Uthaug avec Alicia Vikander, Dominic West, Walton Goggins
Lara Croft, 21 ans, n'a ni projet, ni ambition : fille d'un explorateur excentrique porté disparu depuis sept ans, cette jeune femme rebelle et indépendante refuse de reprendre l'empire de son père. Convaincue qu'il n'est pas mort, elle met le cap sur la destination où son père a été vu pour la dernière fois : la tombe légendaire d'une île mythique au large du Japon. Mais le voyage se révèle des plus périlleux et il lui faudra affronter d'innombrables ennemis et repousser ses propres limites pour devenir "Tomb Raider"…

Le Mot du Comte: 2,5/5
Pour qui ayant joué au récent opus du jeu vidéo Tomb Raider de 2013, ce nouveau remake était attendu. Mais pour qui ayant déjà joué au récent opus du jeu vidéo Tomb Raider de 2013, on n’en connaît déjà hélas plusieurs aspects.
Le film reprend donc l’intrigue japonaise centrée autour de la reine maudite Himiko et suit, à peu de choses près, l’intrigue du jeu. Les gamers ne trouveront ici aucune surprise. Cependant, le film est rafraîchissant, notamment grâce à Alicia Vikander, qui incarne une Lara Croft plus naturelle, plus fragile et plus nuancée que celle interprétée par Angelina Jolie. On pourrait facilement tomber amoureux de cette Lara Croft là, loin du fantasme pour geek de la bimbo à grosse poitrine. Il est également plaisant de voir que les auteurs ont pris soin d’ancrer son personnage dans le monde d’aujourd’hui : Lara est coursier à vélo pour gagner sa vie, dans l’attente de l’héritage de son père. Dommage que le reste du casting ne suive pas. Aucun autre personnage ne parvient à réellement exister face à elle. Même Walton Goggins (qui incarne le méchant) semble plus fade que les soldats qui sont sous ses ordres.
Côté mise en scène, c’est la déception. Si les décors sont flamboyants et la direction artistique cohérente, le reste est générique et n’offre qu’une énième variante du film d’aventures moderne, sorte de sous-Indiana Jones. Le film vogue ainsi de moment d’action en moment d’action sans laisser plus de temps pour un développement plus profond de l’intrigue et de ses enjeux, qui sont justifiés de manière confuse dans le dernier quart d’heure.
Toutefois, les prémices narratives posées par ce premier opus (conçu de manière assez fermée en cas de bide commercial) donnent plutôt envie de patienter pour un second opus, qui on l’espère offrira un meilleur spectacle.

samedi 24 mars 2018

BOUNDARIES

Sortie inconnue - 1h44

Un film de Shana Feste avec Vera Farmiga, Christopher Plummer, Lewis MacDougall
Laura et son fils Henry sont contraints de conduire son père trafiquant d'herbe et insouciant à travers le pays, après avoir été expulsé de sa maison de retraite.

L'Avis de Pitu: 3,5/5
Un film "doux-amer" et touchant auquel il est facile de s'identifier.
Christopher Plummer interprête un génial trafiquant d'herbe qui n'a jamais vraiment été présent dans la vie de sa fille mais qui tente tout de même de s'approcher d'elle sans jamais en donner l'air. C'est avec son petit-fils finalement qu'il réussit à se rapprocher le plus pendant que Laura (Vera Farmiga) va de crise nerveuse en crise nerveuse pour de nombreuses raisons: le travail, l'argent, les animaux abandonnés (Laura recueille tout chat ou chien qu'elle trouve sur sa route, sa maison ressemblant à un refuge de la SPA), son ex-mari, les "bêtises" de son fils (dont la dernière lubie est de dessiner de très réalistes caricatures d'adultes nus), etc. Qui au final se rattachent toutes à son père et l'amour qu'elle n'a pas assez ressenti pendant sa vie. Le tout lors d'un voyage un peu fou, Shana Feste réussit à nous faire rire et pleurer (elle qui proclamait de pas être une réalisatrice de comédie: elle se trompe!) avec ses personnages hauts en couleurs mais si proches de nous. Touchant.

3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE

Sorti le 17 Janvier 2018 - 1h56

Un film de Martin McDonagh avec Frances McDormand, Woody Harrelson et Sam Rockwell
Après des mois sans que l'enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l'entrée de leur ville.

La Moyenne des Ours: 4/5

L'Avis de Pitu: 4,5/5
 "3 Billboards" est un formidable film réussissant à être extrêmement fantaisiste et réaliste à la fois. 
La réalité des personnages, le fait divers, le racisme indiscuté, la violence, la haine... Ces éléments campent l'histoire de Martin McDonagh dans un réalisme dur et intéressant. C'est le grain de folie du personnage de Frances McDormand, l'ironique maladie de celui de Woody Harrelson et la douce stupidité du personnage de Sam Rockwell qui font le film décoller dans une direction folle et inspirée. C'est dans la surenchère que l'on se dirige et cette explosion de personnalités blessées prêtes à se battre pour un idéal provoque la vraie émotion de ce film. C'est après la folie, la rage froide et la violence que des subtils moments d'extrême douceur viennent nous rappeler que l'on n'est pas loin de la réalité (voir cette touchante scène où Woody Harrelson crache du sang et Frances McDormand l'appelle "baby" avec une douceur très maternelle).
Drôle, rageant, triste, fou, "3 Billboards" réussit le pari de nous mettre tous d'accord et à la fois de nous diviser. On ne sait trop que penser de ces personnages et leur lien au "mal": le bien et le mal échangent leur place à chaque scène, selon la perspective.

Le Mot du Comte: 3,5/5
Three Billboards Outide Ebbing Misouri a été comparé à de nombreuses reprises à un film des frères Coen. Il est vrai que le film de Martin McDonagh en possède de nombreux points communs. Devant la caméra, d’abord, avec Frances McDormand, actrice récurrente des frères Coen, dans un rôle principal sidérant au cœur d’un décor au doux parfum d’americana. Puis derrière la caméra, avec la présence du compositeur Carter Burwell, qui a composé la musique des films des frères Coen. Seulement voilà, la comparaison s’arrête là, et si elle peut paraître pertinente, elle fait plutôt du mal au film de McDonagh. En effet, un œil pollué par ce postulat ne trouvera dans Three Billboards qu’une certaine déception : le film n’a pas la rigueur ni la force d’un film des frères Coen.
Cependant, il possède de nombreux atouts. Superbement interprété, par Frances McDormand (qui mérite l’Oscar) mais aussi par Sam Rockwell, dans le rôle d’un policier raciste, témoin à lui seul de cette Amérique délaissée, mal dans sa peau, cette Amérique blanche qu’on dit responsable de l’élection de Trump. Le film convainc également grâce à son humour, sa tendresse et la justesse du portrait d’une Amérique plurielle, où la plupart des sensibilités sont représentées, avec leurs défauts et leurs qualités. Chaque personnage existe et ne s’arrête pas à une représentation caricaturale. Et cela fait du bien.
Mais le film peut être déconcertant par ses choix narratifs qui, s’ils sont novateurs et originaux, sont aussi légèrement déceptifs. Surfant sur plusieurs registres (l’enquête policière, le revenge movie), le film n’en remplit jamais vraiment un et laisse la plupart de ses promesses (dont la question originelle des fameux panneaux) en suspens.
Il faut donc considérer cet aspect, et aborder le film comme le portrait d’un instant, fruit d’une Amérique divisée mais qui peut s’unir si on lui laisse le temps de s’exprimer.

LA FORME DE L'EAU - THE SHAPE OF WATER

Sortie le 21 Février 2018 - 2h03

Un film de Guillermo del Toro avec Sally Hawkins, Michael Shannon, Richard Jenkins
Modeste employée d’un laboratoire gouvernemental ultrasecret, Elisa mène une existence solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Sa vie bascule à jamais lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent une expérience encore plus secrète que les autres…

La Moyenne des Ours: 3,5/5

L'avis de Pitu: 4/5
"La Forme de l'Eau" est un harmonieux conte de fée dans un monde d'adulte touchant d'importants sujets: Amour, Race, Sexualité, Genre et Amitié.
Le dernier film sorti de l'imaginaire de Guillermo del Toro a le don de nous faire voyager dans un monde fantastique et fantaisiste néanmoins bien ancré dans la réalité par ses préoccupations très actuelles. Nous suivons ce personnage mélancholique de la femme timide et muette (la touchante Sally Hawkins) dans un monde "violent" - l'histoire et la direction artistique nous projettent dans une Amérique en pleine Guerre Froide dans des décors tous droits sortis de Jules Vernes. Les personnages eux aussi incarnent cette période avec force et grâce: tous sentent qu'il y a quelque chose de pourri dans le Royaume d'Amérique mais la plupart continuent de suivre l'état des lieux indiscuté (voir l'excellent Michael Shannon) ou discuté uniquement par les petites voix d'en bas (incarnées par les excellents Richard Jenkins et Octavia Spencer).
"La Forme de l'Eau" est un bijou d'innocence qui ne se considère pas supérieur à sa nature: un film fantastique simple et touchant. Rafraichissant.

Le Mot du Comte: 3/5
La Forme de l’Eau est un film bicéphale, bicéphale et paradoxal. Le premier aspect du film est une histoire d’amour hors du commun, entre « monstres ». La première, Elisa (Sally Hawkins), une muette, qui vit dans les recoins sombres d’un cinéma, avec pour voisin un autre inadapté, Giles (Richard Jenkins), un homosexuel vieillissant. Des « monstres » donc dans l’Amérique des années 50, celle de la guerre froide et de la paranoïa. Inadaptée au monde, rejetée et moquée, Elisa va trouver l’amour avec une créature aquatique, qui la comprend pour ce qu’elle est, et ne la jugera pas. C’est là que repose le formidable aspect transgressif de la Forme de l’Eau. L’amour, entre une humaine et un non-humain, de l’amour interracial pourrait-on dire, au sens propre du terme. Cependant, dans son autre versant, le film se fige dans un calibrage glaçant, et abandonne son côté transgressif pour sombrer dans le classicisme absolu. Tout semble en pilotage automatique, que ce soit au niveau de l’intrigue, qui se déploie sans surprise quelconque (et donc avec une impression de lenteur) que de la mise en scène, qui ne laisse aucune place à l’aspérité. Guillermo Del Toro a recrée un petit univers parfait, où les seules aspérités sont celles de ces personnages. Dans cette petite cocotte minutes chromée, colorée et fermée, ils semblent prisonniers, prisonniers d’un destin que le spectateur devine très vite. Une fois les grandes lignes du récit intégrées, il ne reste au spectateur plus qu’à se laisser porter sur ces rails, pour un joli petit train fantôme bardé de références. Les acteurs font le travail, il serait malhonnête de prétendre le contraire, mais on les a vu en meilleur forme ailleurs. Dommage que Del Toro n’accorde que trop peu de temps à Michael Shannon pour déployer les nuances de son personnage. La musique d’Alexandre Desplat, omniprésente et soulignant tout, n’aide pas à sortir le spectateur de sa légère léthargie. Le voyage n’est certes pas déplaisant, mais il peut paraître long. Il n’est en tout cas pas inoubliable. Quel dommage.